Pourquoi tu allaites? Parce que !
J’ai trois enfants et je les ai tous nourris au sein pendant de longues périodes alors forcément la question de mes motivations est très souvent revenue dans la bouche de mes proches, de mes amis , de mes collègues de travail. L’allaitement maternel pourtant naturel et intrinsèque à la nature même des animaux que nous sommes (mammifères = animaux qui nourrissent leurs bébés avec le lait de leurs mamelles), attise la curiosité, émeut, et bien souvent dérange.
Ce sujet me tient particulièrement à cœur car je crois pouvoir dire sans sourciller que c’est très certainement la plus belle expérience de vie que j’ai pu expérimenter. Plus encore que mes grossesses que j’ai toutes trois adorées et savourées, mes trois allaitements se sont révélés être de véritables expériences humaines. Des mois magiques, des semaines uniques des secondes d’une extrême intensité. Amour, humanité, animalité, tout y est. La vie en somme…
Le premier accouchement, la première mise au sein
Mon premier enfant est arrivé le jour du terme suite à une grossesse de rêve. J’étais toute jeune, vingt-sept ans à peine, une forme olympique, une frénétique envie de rencontrer mon bébé associée à la joie de respirer pour deux et de porter en moi ce petit être que j’aimais déjà plus que tout le reste. Réveillée à 8h30 par une contraction douloureuse, mon fils est né deux heures plus tard, sous péridurale, sans aucune souffrance dans la joie et l’émerveillement le plus complet. Bien entendu, je m’étais rendue dans les semaines qui ont précédé la naissance mon enfant aux cours de préparation à l’accouchement. Je n’y avais pas appris grand chose car j’avais déjà beaucoup lu et échangé avec des proches qui avaient déjà des enfants. J’ai surtout appris que ces cours permettaient de se familiariser avec l’hôpital et le personnel hospitalier. L’ambiance cosi et intime des séances permettent aux langues les plus timides de se délier. Toutes les questions les plus gênantes sont posées, tous les doutes sont levés. Ces cours m’ont permis d’aborder la question de l’allaitement avec la sage-femme qui dirigeait ces ateliers et je dois dire que son discours m’a touché. Sans obligation, elle nous invitait à tenter l’aventure. Les bienfaits pour la santé du bébé ainsi que pour sa maman nous ont été rapidement expliqués. Cette thématique a poussé nombre de participantes à poser une foule de questions. L’allaitement était déjà source d’angoisses et d’interrogations que je n’avais pas encore appréhendées. Ma posture était claire de mon côté : j’allaiterai si je me sens à l’aise avec ça mais je ne forcerai pas la nature, l’allaitement au sein me paraissant à l’époque un peu bizarre et pas forcément “naturel”. Pas de femmes allaitantes autour de moi. Mes sœurs, mes cousines, ma propre mère, je n’avais vu que des biberons et des bébés heureux. Pas de pression donc mais une certaine curiosité et bien entendu l’envie de bien faire. La sage-femme l’avait dit, c’était ce qu’il y a avait que meilleur pour mon enfant.
Lorsque mon enfant est sorti de mon ventre après un travail ultra rapide et aucune douleur (oui je sais c’est hallucinant surtout pour un premier), j’ai mis très rapidement mon enfant au sein. J’étais toute seule dans la salle de naissance. Les infirmières avaient fait leur job. Mon conjoint, tremblant et heureux, pendu au téléphone. Mon enfant s’est, sous mes yeux ébahis, immédiatement pluggé à mon sein avec une force et un instinct qui m’ont sidérée. Après je ne me souviens de rien. L’enfant tétais, j’avais du lait malgré le faible volume de mon 90B. Bébé buvait, dormait. Son teint était rose. J’étais la plus heureuse du monde. Evidemment j’allaitais. La question ne s’était finalement pas posée. C’était une évidence. A aucun moment je ne me souviens avoir douté, avoir réfléchi à la question de l’allaitement. J’allaitais comme je portais mon enfant dans mon ventre. J’étais au bon endroit, au bon moment. Mon corps agissait seul. Mon cerveau (en compote) n’est jamais intervenu. J’étais un mammifère. J’allaitais mon petit primate. C’est tout.
Les mauvais conseils reçus à la maternité
Même si l’allaitement maternel n’est toujours pas la “norme” en France, il faut tout de même admettre que l’allaitement au sein se fait de plus en plus. Entre 1995 et 2006, le taux à la naissance est passé de 45,6 à 65,9 %.
Pourtant, quand mon premier enfant est né il y a de cela une douzaine d’années, les sages-femmes et puéricultrices ont toutes tenu le même discours : il faut allaiter votre enfant toutes les trois heures et surtout pas à la demande. Novice et parfaitement en confiance j’ai appliqué ce précepte à la lettre et j’ai, malgré moi, énormément frustré et affamé, mon bébé. Evidemment, mon enfant n’était pas une horloge ni une machine.
Comment peut-on demander à ce petit être nourris 9 mois en continu dans le ventre chaud de sa mère, de manger à heures fixes une fois sorti? Comment peut-on lui demander d’être autonome et de dormir tout seul, loin de ses parents, immédiatement après sa naissance? Comment peut-on demander à ce petit mammifère, encore tellement immature, de se comporter différemment de tous les mammifères de la création? Chat, souris, singe, vache, tous tètent à volonté, tous restent près de leur mère, tous nourrissent leur progéniture avec leur propre lait. Tous suivent leur instinct. Tous, sauf l’humain.
Les conseils toxiques de l’entourage
Voilà encore une spécificité de la race humaine, la malveillance. Les pires obstacles que j’ai pu rencontrer lors de mes différents allaitements n’étaient pas liés au déroulement de l’allaitement en lui-même. Tous buvaient, dormaient et grandissaient merveilleusement bien.
Non, ce sont des êtres humains et très souvent des femmes qui ont été à l’origine de mes difficultés. L’allaitement s’allongeant, on m’a rapidement dit que cela devenait “malsain”. Sous-entendu les seins sont avant tout dédiés aux hommes et aux plaisirs charnels. Mon enfant deviendrait capricieux, dépendants, incapable de se sociabiliser. Evidemment ! C’est tellement clair… un bébé de quelques mois, a besoin, pour bien grandir, d’être abandonné dans ses pleurs, de téter une tétine en plastique dans un biberon rempli de lait de vache en poudre. C’est tellement évident. C’est Dame Nature qui l’a dit ! Ahurissant. Ces femmes cherchaient donc à me culpabiliser de tenir mon enfant contre moi et de le nourrir du meilleur aliment qui soit. J’entendais donc que le lait en poudre et le biberon inventés par l’homme et les laboratoires pharmaceutiques étaient bien mieux adaptés que ce que la Nature avait créé. Sérieusement, l’homme plus fort que la Nature?
Au sein et au biberon nous sommes toutes de bonnes mères
Je ne suis pas dans le jugement, pas toujours évident d’allaiter son enfant. Le monde du travail et allaitement sont d’ailleurs très souvent incompatibles. Et puis les femmes ont le choix et ce choix est fondamental. Il n’y a pas de schéma, pas de modèle. Nous devons rester libres. Mais il ne me paraît pas du tout normal qu’une femme qui allaite longtemps son enfant soit considérée comme rétrograde ou malsaine. Notre société a réussi le tour de force (car c’est un véritable tour de force intellectuel) à rendre biberon et lait en poudre plus acceptable chez le bambin que le propre sein de sa mère. A l’heure du tout bio, la mère qui allaite un petit de 18 mois n’est pas cool du tout. C’est anormal ! Vite un biberon et du lait de croissance industriel à la vanille…
Quand mon premier enfant est né, j’étais très jeune et beaucoup plus sensible à l’ensemble de ces remarques. Toutes ces femmes qui avaient vécu les années 70 voyaient dans l’allaitement maternelle une régression qui leur était insupportable. Elles se trompaient, mais je ne leur en veux pas.
Il faut éduquer, expliquer, revenir aux sources.
Finalement j’ai allaité cet enfant une année entière dans la plus grand joie. Mon conjoint me soutenais, mon enfant allait bien. C’était une évidence, j’allaiterai mes autres enfants. Je ne savais pas, à l’époque, que j’en aurais deux autres et que ces allaitements seraient encore plus intenses.
Retrouvez ici mon article sur les difficultés de l’allaitement maternel.